15 – 24 ans : l’âge de plomb pour l’accès aux soins
28 juin 2012
15 – 24 ans : l’âge de plomb pour l’accès aux soins.
Des propositions du CESE intéressantes pour améliorer
l’accès aux soins des jeunes de - de 25 ans.
« Rien n’est trop difficile pour la jeunesse » selon Socrate, sauf peut-être d’accéder à l’emploi, aux soins et de surnager à la surface du seuil de pauvreté, comme le souligne le Conseil économique, social et environnemental (CESE) dans un avis rendu récemment.
Dans son avis du 12 juin 2012, la section des affaires sociales et de la santé du Conseil économique, social et environnemental retient en effet qu’en 2012, 24% des femmes et 21% des hommes de 18-24 ans vivent en dessous du seuil de pauvreté (fixé à 954 euros), soit un jeune sur cinq. Il y est également relevé qu’un jeune sur six n’a pas de complémentaire santé. La Mutuelle des Etudiants (LMDE), dans son ouvrage « Santé et conditions de vie des étudiants », paru en mai, indique de même que 19 % des étudiants ne sont pas couverts par une complémentaire santé (contre 6% en population générale).
L’enquête de la Mutuelle des Etudiants (LMDE) montre, dans le même temps, que le fait de disposer d’une complémentaire santé améliore l’état de santé des étudiants en facilitant l’accès aux soins, dentaires, optiques, gynécologiques , etc… Cette étude indique par ailleurs qu’un tiers des étudiants, 34%, déclarent avoir renoncé à des soins médicaux au cours des 12 derniers mois, pour des raisons financières principalement (29%).
A partir de ces constats, problématiques, le CESE propose notamment :
- d’améliorer « le taux de couverture sanitaire en reconduisant les crédits des fonds d’expérimentation pour la jeunesse afin d’évaluer et de promouvoir des réponses au non recours [aux soins] des jeunes » ;
- de confier « au fonds CMU l’analyse des freins aux demandes individuelles de CMU, CMU-c des jeunes de 18 à 25 ans. Au vu de ces travaux, des simplifications réglementaires pourraient être proposées et le chèque santé généralisé. Ce chèque permet, sous condition de ressources, de bénéficier d’une prise en charge partielle du coût d’une complémentaire santé » ;
- de permettre « au dossier social de l’étudiant (DPE) de valoir dépôt d’une demande de CMU-c/ACS ».
De son côté, la LMDE considère également que les dispositifs de CMU-c et d’ACS ne sont pas adaptés aux étudiants. Elle estime d’ailleurs que ces inadéquations peuvent expliquer la perception négative qu’ont les étudiants de notre système de santé et le déficit de confiance dont souffre notre modèle de protection sociale chez les jeunes.
Actuellement, les conditions d’accès à la CMU-c sont particulières pour les jeunes majeurs de moins de 25 ans. Ils doivent faire une demande de CMU complémentaire avec celle de leurs parents, sauf si les trois conditions suivantes sont réunies :
- ils n’habitent pas chez leurs parents au moment de la demande (ils peuvent habiter chez un autre membre de leur famille) ;
- ils ne figurent pas sur la déclaration de revenus de leurs parents durant l’année fiscale précédente (ou ils doivent s’engager sur l’honneur à établir une déclaration en leur nom propre pour l’année à venir) ;
- ils ne doivent pas avoir perçu une pension alimentaire ayant fait l’objet d’une déduction fiscale, ou ils doivent attester sur l’honneur ne plus la percevoir à la date à laquelle ils effectuent leur demande (une exception : la demande de CMU complémentaire est valable si le versement de cette pension alimentaire fait suite à une décision judiciaire).
Si ces conditions ne sont pas réunies, la personne de moins de 25 ans doit figurer en tant que personne à charge sur une demande de CMU établie au nom des parents. Les ressources des parents et des personnes à charge doivent être indiquées.
Pour rappel, quel que soit l’âge :
- le plafond de ressources d’une personne seule pour pouvoir bénéficier de la CMU-c est fixé à 648 euros par mois ;
- pour bénéficier de l’ACS, les ressources ne doivent pas dépasser le seuil d'accès à la CMU complémentaire de plus de 35 %, et remplir toutes les autres conditions d'accès à la CMU complémentaire.
- pour une personne seule, âgée de 16 à 49 ans, le montant du chèque santé s’élève à 200 euros.
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Si l’ouverture des droits à la CMU-c et à l’ACS au bénéfice des jeunes était plus systématique, elle faciliterait incontestablement leur accès aux soins. D’ailleurs, si plus d’efforts étaient portés sur les problématiques de non recours aux droits de millions d’usagers, l’accès à la complémentaire santé serait probablement moins laborieux. Mais de manière plus globale, c’est tout le système de la protection sociale des jeunes qu’il conviendrait de réformer, avec, pour point de départ, les conditions de leur affiliation à la Sécurité sociale.
Rappelons qu’entre 16 ans et 19 ans, l’affiliation à la sécurité sociale étudiante est obligatoire et gratuite. Les jeunes de 16 à 19 ans disposent de la qualité d'ayant droit et la mutuelle étudiante assure leur prise en charge à ce titre.
Les étudiants âgés de 20 ans en cours d'année universitaire ou ayant plus de 20 ans ne sont plus considérés comme ayant droit de leurs parents. Leur affiliation à la sécurité sociale étudiante est obligatoire et payante, sauf pour les boursiers, exonérés du paiement de la cotisation et pour les enfants de parents exerçant des professions relevant de régimes spéciaux.
Le montant de la cotisation obligatoire au régime de sécurité sociale étudiant est fixé chaque année par le ministère. La cotisation est identique quel que soit le centre de gestion choisi par l'étudiant et ne dépend pas des ressources de l’étudiant.
La présence de deux opérateurs (LMDE et SMER) en charge de gérer le régime de sécurité sociale des étudiants (RSSE) par délégation de service public est une situation unique. Aucun autre système de sécurité sociale en France ne fonctionne ainsi. Cette dualité n’entraîne-t-elle pas des coûts superflus, notamment en raison de la publicité que chacun développe pour gagner des adhérents ?
Par ailleurs, l’Observatoire du CISS sur les droits des malades, le rapport annuel de Santé Info Droits, permet de constater, de façon récurrente, des dysfonctionnements dans la gestion administrative des dossiers des étudiants par ces régimes de sécurité sociale spécifiques : remboursement des soins et des consultations médicales dans des délais totalement inacceptables (plus de 6 mois), retard dans la reconnaissance des droits (affection longue durée, CMU-c), services administratifs difficilement joignables…
Etre jeune, ce n’est pas avoir moins de droits que les autres usagers du système de santé et il faut s’indigner des discriminations dont ils sont victimes, en dépit des appels au secours lancés par les organisations qui les représentent.
Le régime de leur protection sociale, fortement inégalitaire, et les conditions de leur accès à la complémentaire santé, inadaptées, méritent d’être entièrement réformés, afin que dans notre pays la jeunesse ne soit pas qu’un mauvais moment à passer du point de vue de l’accès aux soins.
Les propositions du CESE (lequel, faut-il le déplorer, ne compte pas de représentants d’usagers du système de santé en tant que tels), partent d’un constat partagé par les observateurs, jamais remis en cause. Elles devraient inviter le nouveau gouvernement à ne pas imiter le précédent et à agir vite pour améliorer les conditions de vie, et notamment de l’accès aux soins, de celles et ceux qui ont vocation à prendre la relève… Mais c’est une réforme à tous les étages dont les jeunes ont besoin, pour, d’une part, leur appliquer les principes de solidarité propre à notre système de protection sociale – pourquoi en serait-il autrement ? – et, d’autre part, leur redonner confiance en ce qu’il est essentiel qu’ils soutiennent à l’avenir, dans l’intérêt de tous, le principe de l’égalité d’accès aux soins.
>> « Droits formels, droits réels : améliorer le recours aux droits sociaux des jeunes », avis du CESE du 12 juin 2012 : http://www.lecese.fr/travaux-publies/droits-formelsdroits-reels-ameliorer-le-recours-aux-droits-sociaux-des-jeunes
>> Pour commander l’ouvrage « Santé et conditions de vie des étudiants », paru en mai 2012, publié par la LMDE et coédité par la Mutualité Française et Rue des écoles, cliquez ici
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