Combien de drames faut-il déplorer avant d’organiser un vrai contrôle de la qualité des soins de ville ?
16 septembre 2014
Combien de drames faut-il déplorer avant d’organiser un vrai contrôle de la qualité des soins de ville ?
Une étude, publiée mardi 9 septembre dernier dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire, établit pour la première fois la fréquence des « événements indésirables associés aux soins » (EAIS) chez les médecins de ville.
Une mauvaise communication entre un médecin et un spécialiste, un retard dans la prescription d'un médicament, un bilan biologique réalisé avec retard, autant d’« événements ou circonstances associés aux soins [de prévention, de diagnostic ou de thérapeutique] qui auraient pu entraîner ou ont entraîné une atteinte pour un patient, et dont on souhaite qu’ils ne se reproduisent pas de nouveau », selon la définition retenue par les épidémiologistes.
En mai et juin 2013, 127 médecins généralistes tirés au sort ont accepté de lister — de façon quasi exhaustive — les actes médicaux qu'ils pratiquaient pendant une semaine au sein de leur cabinet. Parmi les 13 438 actes relevés au total (en moyenne 21 par jour et par médecin), 401 EAIS ont été identifiés, dont 344 étaient évitables. Les principales raisons de ces dysfonctionnements : l'organisation du travail au sein du cabinet (42 % des cas), la mauvaise communication entre professionnels et structures de santé (21 % des cas) ou encore des problèmes dus à une méconnaissance ou à un manque de compétence (20 % des cas).
La plupart du temps, ces évènements se sont révélés bénins : 77 % d'entre eux n'ont pas eu de conséquence clinique. Mais dans 21 % des cas, ils ont entraîné une incapacité temporaire du patient. Et quelques-uns d'entre eux ont été « cliniquement graves » : quatre cas ont pu être associés à une « menace vitale », trois à une incapacité physique définitive et un à un décès.
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Outre ces résultats faisant émerger un véritable problème de « qualité » des soins chez les médecins de ville, il faut relever l’absence quasi totale d’audit, par les autorités sanitaires, des cabinets médicaux.
Rappelons qu’une obligation de certification, d’abord confiée à l’agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (ANAES) puis, par la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie, à la Haute Autorité de Santé (HAS), autorité publique indépendante à caractère scientifique, s’impose à tous les établissements de santé, publics et privés, depuis 1996, en application de l’article L. 6113-3 du code de la santé publique (CSP).
La procédure de certification a pour objectif de s’assurer selon les termes de la loi de « l’amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins délivrés aux patients ». Elle vise à porter une appréciation globale et indépendante sur la qualité d’un établissement ou, le cas échéant, d’un ou plusieurs services ou activités d’un établissement, à l’aide d’indicateurs, de critères et de référentiels portant sur les procédures, les bonnes pratiques cliniques et les résultats des différents services et activités de celui-ci.
Et les cabinets médicaux ? Les processus qualité sont-ils contrôlés chez un gynécologue qui emploie des dispositifs médicaux à risques ? Chez un chirurgien-dentiste effectuant des actes invasifs en cabinet ?
La récurrence des dossiers, notamment liés à des erreurs de diagnostics, examinés au sein des commissions régionales de conciliation et d’indemnisation (CRCI), devrait alerter les pouvoirs publics à légiférer pour mieux prévenir la non-qualité.
Un projet de loi relatif à la santé ne va-t-il justement pas être prochainement débattu à l’Assemblée nationale ?
Le CISS jouera de toute son influence afin que la qualité des soins soit évaluée et certifiée chez les médecins de ville comme ils le sont depuis presque 20 ans dans les établissements de santé.
En ce sens, la création d’une commission chargée de veiller au respect des droits des malades pris en charge en ambulatoire serait un début et la reconnaissance d’une autorité compétente pour auditer et certifier les cabinets médicaux représenterait une avancée majeure pour lutter contre les milliers de déconvenues évitables pouvant parfois entraîner de graves préjudices aux patients.
> « Etude épidémiologique en soins primaires sur les événements indésirables associés aux soins en France » (Esprit, 2013), publiée dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire, n° 24-25 - 9 sept. 2014, sur le site de l'InVS :
http://www.invs.sante.fr/beh/2014/24-25/2014_24-25_1.html