Démocratie en santé, pour aller au-delà des discours !
08 juillet 2016
Démocratie en santé, pour aller au-delà des discours !
La ministre de la santé s’est exprimée, mercredi 6 juillet 2016, devant la conférence nationale de santé. Elle a réaffirmée sa volonté de développer la démocratie en santé en s’appuyant au niveau national sur la conférence nationale de santé, l’Institut pour la démocratie en santé (IDPS) et la future Union nationale des associations agréées du système de santé (UNAASS). Nous nous félicitons de ce discours volontariste, mais regrettons que la loi du 26 janvier et ses textes d’applications ne traduisent pas complètement cette volonté affichée, en particulier dans les territoires, c’est-à-dire au plus près des populations.
En ville, des dispositifs par et pour les professionnels
Dans les territoires, lorsque la loi de modernisation de notre système de santé en était à son élaboration, on songeait à la mise en place d’un service public territorial de santé pour répondre aux besoins des populations, pour l’inclure dans la définition des politiques publiques, pour garantir l’accès à la santé de tous en tout point du territoire. Bref, de la démocratie en santé au-delà des concepts. Patatra, les échanges avec les diverses parties prenantes ont conduit à revoir ce projet pour le transformer dans un premier temps en service territorial de santé au public, puis in fine en communautés professionnelles territoriales. En gros des dispositifs de professionnels par les professionnels pour les professionnels, le tout censé répondre aux besoins de la population. On est assez loin de la démocratie en santé.
Autre dispositif dans les territoires, les plateformes territoriales d’appui (PTA) dont le décret d’application a été publié hier, sans qu’il nous ait été soumis auparavant pour avis comme si cela ne concernait pas les usagers et leurs représentants. Là encore ces plateformes sont mises en place par les professionnels pour les professionnels pour leur apporter un appui sur les parcours les plus complexes. Ainsi, il semble que les réseaux de santé deviennent progressivement des PTA. Et là où les réseaux pouvaient directement être sollicités par les patients ou leurs proches afin d’évaluer leurs besoins et de leur apporter des solutions, avec les PTA il faut s’en remettre au bon vouloir de son médecin traitant qui lui seul peut déclencher la prise de contact avec la plateforme. Il nous semblait que la loi de 2002 prévoyait que le patient prend avec le professionnel de santé les décisions qui concernent sa santé (article 1111-4 du code de la santé publique). Ici le professionnel prend avec lui-même les décisions qu’il estime bonnes pour son patient et il l’informe ensuite… Nous y verrions donc plutôt une régression, malgré les discours.
A l’hôpital, des groupements élaborés sans les usagers
Ainsi, l’organisation territoriale de santé en ville semble loin de l’idée que nous nous faisons de la démocratie en santé. Du côté de l’hôpital, nous ne sommes guère plus satisfaits. Depuis le début de la réforme sur les groupements hospitaliers de territoire, on sent qu’elle est davantage pensée pour les professionnels. Il a fallu batailler pour obtenir une instance usagers dans les groupements. Ni la population, ni les représentants des usagers n’ont été associés aux découpages et quand ils ont réagi, leurs alertes sont restées vaines, comme à Brioude (voir notre communiqué du 16 mars dernier, "GHT : le diable est déjà dans le découpage !"), où malgré la mobilisation des acteurs locaux et de la population le centre hospitalier va bien être rattaché au GHT du Puy-en-Velay alors que la logique devrait incontestablement le rattacher au GHT de Clermont-Ferrand. Aujourd’hui la seule réponse est une menace de baisse des financements de l’hôpital. Des baisses qui retomberont in fine sur la population. Bel exemple de démocratie en santé !
Notons que l’IPDS est chargé de piloter une expérimentation de participation plus directe de la population locale à la mise en œuvre de GHT. Nous suivrons cela avec intérêt !
On parle beaucoup de démocratie en santé, la loi du 26 janvier prévoit des dispositions importantes dans ce domaine et certaines très positives. Nous regrettons qu’au niveau territorial, on limite le rôle des usagers à la participation à un diagnostic recensant les besoins de la population, alors qu’une réelle démocratie en santé voudrait que les usagers soient également associés à la construction des dispositifs et qu’ils puissent en outre les saisir directement. Car aujourd’hui, on ne peut que constater que dans la plupart des cas ce sont bien le patient et ses proches qui sont à la manœuvre pour s’y retrouver dans ce système si complexe afin d’identifier les solutions qui pourraient répondre à leur situation. Bien que la loi et les principaux textes d’application soient désormais publiés, nous ne désespérons pas de pouvoir faire évoluer les pratiques en tablant sur une action de terrain la plus déterminée possible dans l’échange avec la diversité des acteurs locaux, pour une mobilisation dans l’intérêt commun de l’efficience de l’accès aux soins.
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