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Face à la consommation inquiétante de benzodiazépines, des CPAM réagissent

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06 février 2014

Bon Point

Face à la consommation inquiétante de benzodiazépines, ces médicaments qui nous assomment, des CPAM réagissent

 

Les benzodiazépines sont des molécules qui agissent sur le système nerveux central et qui possèdent des propriétés anxiolytiques, hypnotiques, myorelaxantes et anticonvulsivantes.

 

En 2012, 22 benzodiazépines ou apparentées[1] étaient commercialisées en France.

 

Entre 2012 et 2013, trois benzodiazépines ont fait l’objet de mesures particulières : le clonazépam, pour lequel des conditions d’accès restreintes ont été mises en place en France, le flunitrazépam qui a été retiré du marché français pour des raisons commerciales, le tétrazépam dont la réévaluation du rapport bénéfice/risque initiée par la France a abouti à son retrait du marché en Europe en juillet.

 

De nouvelles données présentées dans un rapport de l’ANSM du 8 janvier 2014 [2] confirment la reprise de la consommation globale de benzodiazépines initiée depuis 2010 (notons que l’AFSSAPS avait également rendu un rapport d’expertise en janvier 2012 sur cette même problématique[3]).

Cette reprise est sous-tendue par la progression de la consommation d’anxiolytiques et d’hypnotiques, malgré la baisse importante de la consommation du tétrazépam qui est retiré du marché depuis[4]  et du clonazépam (-70 % entre 2011 et 2012)[5] .

 

Les principaux résultats montrent que :

 

  • 131 millions de boîtes de médicaments contenant des benzodiazépines ou apparentées ont été vendues en France en 2012 (dont 53,2 % d’anxiolytiques et 40,5 % d’hypnotiques[6]). Ceci représente près de 4 % de la consommation totale de médicaments en 2012.
  • Environ 11,5 millions des usagers en France ont consommé au moins une fois une benzodiazépine en 2012.
  • 22,2 % des utilisateurs consomment 2 benzodiazépines simultanément ou non et 0,7 % en consomment 3.
  • Les consommateurs de benzodiazépines âgés en moyenne de 56 ans sont principalement des femmes pour près des 2/3. Un tiers des femmes de plus de 65 ans consomment une benzodiazépine anxiolytique et près d’une sur cinq (18 %) une benzodiazépine hypnotique.
  • Les principaux prescripteurs de benzodiazépines anxiolytiques et hypnotiques sont des médecins libéraux (90 %), essentiellement des  généralistes.
  • Les temps d’exposition aux benzodiazépines sont parfois très supérieurs aux recommandations de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) avec une utilisation annuelle moyenne de 4 à 5 mois pour les molécules hypnotiques et anxiolytiques (et plus de 2 ans pour la moitié des sujets traités). A noter qu’une proportion importante de patients les utilise en continu sur plusieurs années.
  • La consommation des benzodiazépines expose à certains risques bien connus en particulier neuro-psychiatriques, ainsi que des risques d’abus et de pharmacodépendance, notamment un phénomène de tolérance et de sevrage à l’arrêt. Les benzodiazépines accroissent également de manière significative le risque d’accidents de la route.
  • Chez le sujet âgé, la consommation de benzodiazépines peut favoriser les chutes et perturber la mémoire.
  • Enfin, certaines études récentes font état du lien potentiel entre ces substances et la survenue d’une démence.

 

Un enjeu de santé publique, qui touche notamment les EHPAD

 

Afin de limiter la consommation et les risques des benzodiazépines, les autorités sanitaires françaises ont mis en place depuis 20 ans un certain nombre d’actions sur le plan réglementaire mais aussi en termes d’information et de communication. Devant le constat d’une consommation toujours très importante de benzodiazépines, d’une large prescription en particulier pour des durées trop longues et de la présence de risques liés à leur utilisation, les autorités sanitaires dont l’ANSM souhaitent mettre en place un nouveau plan d’actions.

A cette fin, les professionnels de santé, médecins prescripteurs et pharmaciens seront consultés et impliqués directement dans la mise en place de mesures qui devraient entrer en vigueur dans le courant de l’année 2014.

 

Les Français arrivent 2e au classement des consommateurs de « benzo » après les Portugais.

 

Le marché des « benzo » représente 183 millions d’euros de chiffres d’affaires en 2010, soit 0,7 % du montant total des ventes de médicaments en France.

 

Bref, il semble qu’il y ait un léger problème de santé publique et là, pour le coup, on ne pourra pas dire que l’on n’a rien vu venir.

 

Le Président de l’Observatoire du médicament et de l’innovation thérapeutique de Haute-Normandie (Omedit), le Pr Jean Doucet rappelle que :

« la consommation dans les maisons de retraites (EHPAD) est importante : des problèmes de surconsommation, d’indication et d’associations puisque 22% des personnes âgées pensionnaires prennent anxiolytique et somnifère »

A tel point que des observateurs vont jusqu’à dire que certains EHPAD auraient pris l’habitude de se servir de ces médicaments comme « contention chimique ».

 

 

L’implication de 3 CPAM de Haute-Normandie

 

Bien décidée à agir contre les prescriptions excessives, inappropriées, inconséquentes voire dangereuses, une campagne régionale est lancée en février en Haute-Normandie pour sensibiliser médecins et patients à la consommation des « benzo ».

 

Cette première campagne régionale des trois caisses d’assurance maladie s’adresse aux médecins, via les délégués de l’Assurance maladie, pour leur rappeler les recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS). Les infirmiers et les maisons de retraite seront associés à la démarche qui, pour le grand public, va s’appuyer sur une campagne radiophonique et des encarts dans la presse régionale.

 

En Haute-Normandie, 37% des plus de 75 ans consomment des « benzo » ; 54,5% des plus de 75 ans soignés en ville et consommant des « benzo » ont des traitements allant au-delà de 12 semaines ; en EHPAD, 71,3% des plus de 75 ans en consomment depuis plus de 3 mois.

 

Au niveau des CPAM de la région, les « benzo » représentent 6,7 millions d’euros de médicaments remboursés (1,2%) sur un total de 577 millions d’euros de dépenses de pharmacie.

Une idée (farfelue ?) pour freiner l’aggravation de ce problème de santé publique : et si les médecins respectaient les recommandations des autorités sanitaires sous peine d’engager leur responsabilité en cas d’ « effet indésirable » liée à une surprescription, comme le prévoit le droit positif ?  


[1] Deux molécules hypnotiques (zolpidem et zopiclone) sont ainsi apparentées aux benzodiazépines.

[2] Etat des lieux de la consommation des benzodiazépines en France, décembre 2013, rapport d’expertise de l’Agence (08/01/2014).

[3] Rapport d’expertise de l’Agence : Etat des lieux de la consommation des benzodiazépines en France, janvier 2012 (16/01/2012).

[4] Le retrait du marché du tétrazépam au niveau européen a été effectué en juillet 2013.

[5] Les myorelaxants et les antiépileptiques ne sont représentés que par une seule benzodiazépine dans chacune de ces classes (respectivement tétrazépam et clonazépam).

[6] Les parts respectives des myorelaxants et des antiépileptiques sont faibles (5,2 % et 1,1 %).