Les plus pauvres, au ban de la médecine de ville
09 avril 2014
Les plus pauvres, au ban de la médecine de ville.
Le Défenseur des droits constate l’inaction des autorités
et formule 12 recommandations pour en finir
avec ces discriminations honnies
Refus de soins opposé par certains médecins, complexité des démarches et passivité de certaines caisses. De multiples obstacles freinent encore l’accès aux soins des plus pauvres, s’alarme le Défenseur des droits dans un rapport transmis à M. Jean-Marc Ayrault en mars et présenté début avril.
Les refus de soins sont pratiqués davantage dans les grandes villes, par des médecins exerçant en secteur 2 (à honoraires libres), et plus fréquents dans certaines catégories de professionnels, comme les dentistes ou les spécialistes.
Les refus de soins illégaux auxquels sont exposés les bénéficiaires de la CMU-C, de l’ACS et de l’AME ont fait l’objet de dénonciations multiples. Pourtant, les pratiques illégales perdurent.
C’est dans ce contexte que le Premier ministre a sollicité un avis du Défenseur des droits, sur les questions :
- des pratiques actuelles de refus de soins aux bénéficiaires de la CMU-C, l’ACS et de l’AME ;
- de l’évaluation des moyens pour leur détection ;
- de la mise au jour de propositions permettant de sensibiliser les professionnels, de se doter d’outils normatifs efficaces afin d’identifier ces pratiques illicites et d’en faciliter le signalement.
Le Défenseur des droits formule 12 recommandations [1]
Elles découlent de l’analyse des obstacles rencontrés par les plus précaires dans l’accès aux soins, et de la nécessité de mieux piloter et de restructurer le dispositif juridique de lutte contre les refus de soins illégaux.
Le Défenseur des droits a ainsi pu observer qu’à ce stade la mobilisation des ordres professionnels comme celle de certaines CPAM est encore insuffisante. Il appelle un encadrement juridique renforcé pour que ces institutions se donnent pleinement les moyens d’identifier et de traiter les refus de soins à la hauteur des besoins, que font pourtant régulièrement remonter les associations portant assistance à ces populations ou représentant les usagers du système de santé.
Afin de renforcer la prévention, la détection et la sanction des situations de refus de soins, le Défenseur des droits préconise donc de confier aux Agences régionales de santé (ARS) la fonction de guichet unique pour le recueil des plaintes, leur transmission aux CPAM et aux ordres ainsi que le suivi de leur instruction. Le conseil national de pilotage des ARS se verrait chargé de l’élaboration d’un rapport annuel au Ministère de la Santé et au Défenseur des droits, faisant l’état des lieux des saisines et des mesures prises, avec possibilité de publication d’un rapport spécial du Défenseur des droits en cas de manquements graves.
D’autres propositions formulées dans le récent rapport de Claire Compagnon sur la démocratie sanitaire
Le rapport « Pour l’An II de la Démocratie sanitaire » remis en janvier à la ministre de la Santé[2] préconise, quant à lui, la création à l’échelle territoriale d’une instance dédiée au respect des droits des usagers, un « espace de défense des droits » dont l’action serait coordonnée par les équipes locales du Défenseur des droits.
Reste à savoir si l’une ou l’autre de ces formules assez aisées à mettre en place sera finalement retenue par les pouvoirs publics.
Enfin, la faible remontée des situations de refus de soins illégaux confirme la difficulté des usagers à faire valoir leurs droits et le déséquilibre dans la relation patient/médecin. Les usagers sont parfois réticents à entamer un recours, du fait de la complexité des démarches et du sentiment qu’ils ne pourront pas obtenir gain de cause. Ce dernier rapport préconise donc également de conforter le rôle des associations en les autorisant à représenter les victimes durant les procédures de conciliation ou les recours en justice, et d’aménager la charge de la preuve en la matière afin de ne pas la faire reposer sur la victime qui dénonce mais au contraire sur la personne qu’elle accuse.
Les personnes en difficultés financières peuvent compter, dans notre pays, sur la garantie d’une prise en charge de leurs soins et ou une aide pour acquérir une complémentaire santé. La reconnaissance de ces droits constitue indéniablement une avancée sociale, un progrès vers l’égalité d’accès aux soins et la santé élevée au rang de droit fondamental.
Le comportement des professionnels de santé, en particulier des médecins qui discriminent injustement les personnes bénéficiaires de ces droits en raison de leurs faibles ressources, souffle un vent contraire sur les progrès de notre système de santé auxquels l’ensemble des citoyens contribuent. Les refus de soins sont indignes et nos institutions doivent protéger celles et ceux d’entre nous qui en sont victimes. C’est une question de principe et de droits !
[1] Les refus de soins opposés aux bénéficiaires de la CMU-C, de l’ACE et de l’AME, rapport du Défenseur des droits remis au Premier ministre, mars 2014
[2] Pour l’An II de la démocratie sanitaire, rapport présenté par Claire COMPAGNON en collaboration avec Véronique GHADI, remis à la ministre des Affaires sociales et de la santé, février 2014.
