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Sommes-nous vraiment obligés de vivre avec le déficit de l’Assurance maladie ?

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13 janvier 2014

Mauvais Point

Sommes-nous vraiment obligés de vivre avec le déficit de l’Assurance maladie ?

 

Dans un récent rapport[1], le Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance maladie (HCAAM) s’inquiète de la dérive des déficits qui pourrait s’élever, selon lui, à plus de 14 milliards d’euros en 2020, soit presque le double de celui de 2013, un record historique.

 

Certains relativisent ce montant : ce ne serait guère plus que le total des dépenses en  publicité et en marketing de Samsung en 2013… ou le budget de l’Islande. Les militants associatifs de la santé ont un autre point de vue, bien partagé avec le HCAAM. Car à ce train-là, il ne nous restera comme seule solution, une fois encore, que de transférer cette dette à la Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale les déficits de l’Assurance maladie. Au fil de l’eau, cette solution déjà utilisée à maintes reprises ne fait plus illusion : les Français paient d’un coté des cotisations sociales et de l’autre côté la contribution au remboursement de la dette sociale !

 

Quand nous nous réveillerons sous le poids d’une contrainte financière non négociable, nous nous apercevrons que l’Assurance maladie a été sacrifiée par la passivité des pouvoirs publics qui préfèrent agir les yeux rivés sur les mesures coup de poing dramatiquement court-termistes plutôt que de réformer la structure même de notre système de santé : moins périlleux électoralement mais fatal pour les générations de demain qui seront appelées à payer, mais il est vrai qu’aujourd’hui elles n’ont pas encore le droit de vote !

 

La croissance prévisible des dépenses s’explique par le vieillissement de la population mais ce facteur « n’occupe qu’une part relativement modeste dans la progression » des dépenses jusqu’en 2040 (0,5 point environ). Le HCAAM estime en effet que « le progrès technique et l’organisation des soins apparaissent comme des contributeurs importants de la dépense de santé dans les projections ».

 

Trois pistes sont classiquement évoquées pour endiguer le déficit : un accroissement des prélèvements publics (CSG, cotisations), une baisse de la prise en charge par le Sécu ou enfin une plus grande maîtrise des dépenses. Ecartant les deux premières hypothèses, le HCAAM plaide pour la troisième voie, réaffirmant « l’impérieuse nécessité d’une maîtrise des dépenses de santé, mobilisant les nombreux gisements d’efficience du système de soins ».

 

Cette recherche d’efficience consiste par exemple à évaluer « la pertinence de certains actes ou de certains séjours hospitaliers ».

 

Toutefois « à court terme, des mesures sur les recettes et le remboursement de soins inutiles devront être prises en attendant que les mesures d’optimisation de la dépense de santé fassent  sentir leurs effets », souligne le HCAAM.

 

Le HCAAM voit rouge mais juste. Le déficit de l’Assurance maladie augmentera tendanciellement et, c’est un peu lassant de le redire chaque année depuis plus de 20 ans, seule une réforme structurelle pourra redresser les comptes.

 

C’est également l’analyse de Didier Migaud, premier président de la Cour des Comptes, qui a souligné, lors de l’audience solennelle de rentrée de la haute juridiction du 15 janvier, combien « la persistance anormale de déficits structurels depuis plus de 20 ans singularise notre pays par rapport à tous nos voisins » s’agissant des régimes de sécurité sociale.

 

Insistant sur la nécessité de procéder à des réformes d’organisations ou de mode de fonctionnement pour accompagner la recherche d’économies, Didier Migaud est convaincu que l’organisation de la permanence des soins et de développement de la chirurgie ambulatoire, évoqué dans un rapport publié en 2013[2], représente d’importantes niches d’efficience.

 

Il précise en outre que la méthode du « rabot » ou « compression uniforme de la dépense » doit être délaissée  et que celle du « non-choix ou plutôt du choix de ne pas arbitrer » a vécu.

 

Point de vue également partagé par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et par l’Inspection générale des finances (IGF)[3]  qui considèrent que « l’évolution du système de santé doit être guidée en premier lieu par l’objectif de soins pertinents et adéquats ». A ce titre, les auteurs de cet excellent rapport proposent notamment le « renforcement des efforts de maîtrise médicalisée » et une « meilleure articulation des professionnels de santé autour du parcours de soins du patient ».

 

Fait remarquable : la convergence des experts qui, sans exclure la nécessité de faire évoluer le périmètre de la dépense de santé prise en charge par l’Assurance maladie, recommandent des réformes de fond, touchant principalement à l’organisation des soins et à la pertinence des actes.

 

Les grands axes préfigurant la stratégie nationale de santé annoncée par la ministre fin 2013 s’inscrivent bien dans une ambition politique visionnaire « Vers la refondation du système de santé français » :

- Miser sur la prévention : agir tôt et fortement sur tout ce qui a une influence sur notre santé ;

- Organiser les soins autour des patients et en garantir l’égal accès : la révolution du « premier recours » ;

- Un tournant majeur dans le renforcement de l’information et des droits des patients.


La grande loi sur la santé attendue en 2014 sera-t-elle celle du sursaut ? Un choc d’organisation pour les soins pris en charge par l’Assurance maladie ?




[1] Rapport annuel du HCAAM, 2013.

[2] Rapport de la Cour des comptes sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, 2013.

[3] Rapport IGAS-IGF, Propositions pour la maîtrise de l'ONDAM 2013 – 2017, juillet 2012.