Allocution du président du CISS, Christian SAOUT, à la séance d’ouverture de la renégociation de la convention AERAS
22 janvier 2010
Mesdames les ministres, Monsieur le Ministre,
Mesdames et Messieurs les représentants des parties prenantes de la convention AERAS,
Certains d’entre vous le savent, le site du CISS comporte une rubrique « Bon point-Mauvais point ».
Quelle est notre opinion aujourd’hui, au moment où nous tirons le bilan de la convention AERAS avant d’engager les travaux vers une nouvelle signature ?
Il y a incontestablement des mentions dans la colonne « Bon point ». Ainsi l’existence de la convention a eu des vertus sur le marché de la garantie assurantielle des prêts qui admet probablement plus facilement les candidats vivant avec des risques de santé aggravés. Par ailleurs, il y a aujourd’hui un plus grand nombre de personnes qui reçoivent une proposition d’assurance dans le cadre de la convention alors que leur dossier aurait été écarté hier. Le bilan statistique apparaît d’ailleurs favorable même s’il faut à l’avenir faire attention à ce que les chiffres soient mieux établis, plus rigoureux, plus sûrs, en un mot plus conformes à la réalité car certains résultats sont tellement favorables en regard des situations bien plus dures que nous connaissons que si l’on n’y prend pas garde ils vont bientôt aboutir à démontrer que même ceux qui n’ont pas demandé d’assurance ont été assurés !
Plus sérieusement, c’est un « mauvais point » que nous décernerions à ce processus conventionnel qui n’a pas connu la traduction attendue.
L’effectivité de la convention est un premier sujet.
Il ne s’agit pas d’en faire le reproche au Président de la Commission de suivi de la convention AERAS, Monsieur Jean-Michel Belorgey, qui a mis tout son talent au service de ce dossier depuis une bonne décennie maintenant. Il faut plutôt de notre point de vue nous interroger sur les éléments de l’appareil conventionnel qui devrait évoluer pour lui donner une force opposable à laquelle les acteurs de la banque et de l’assurance ne pourraient se soustraire.
Il faut aborder cette question sans tabou, y compris en regardant si des éléments normatifs, législatifs ou réglementaires, ne doivent pas venir, de l’extérieur de la convention, constituer des points d’appui au service des potentiels bénéficiaires de cette convention, comme en matière d’études et de recherches sur les risques, pour prendre ce seul exemple.
L’échec des dispositions conventionnelles sur la garantie de l’invalidité.
Une évolution significative avait amené à insérer cette garantie en tant que telle dans la convention signée en 2007 plutôt qu’une simple annexe avec projet d’étude dans la convention de 2004. Mais le changement de statut de la préoccupation dans le document n’a pas amené de comportement vertueux des professionnels qui continuent à refuser la garantie invalidité dans la quasi-totalité des cas. Les objectifs chiffrés fixés dans ce domaine dans la convention n’ont bien évidemment pas été atteints.
De notre point de vue, toutes les propositions d’assurance doivent être assorties de la garantie du risque d’invalidité.
Très peu de données sur la morbidité et aucune sur l’invalidité n’ont été produites malgré les efforts de la commission des études et des recherches
L’expérience montre qu’il existe un décalage considérable entre l’amélioration de la prise en charge des personnes grâce à l’amélioration des avancées thérapeutiques et la prise en compte de ces dernières par les assureurs.
Il n’existera pas de réelles avancées en matière d’accès à l’assurance sans permettre à la Commission des Etudes et des Recherches de contribuer à l’intégration de ces données scientifiques en lui donnant les moyens nécessaires à la réalisation de cet objectif. Dans le même temps, comme nous l’avons dit, il conviendrait de rendre opposable aux professionnels les travaux et conclusion de cette commission.
La nécessité d’harmoniser les questionnaires médicaux.
Les questionnaires de santé qu’ils soient simplifiés ou détaillés se caractérisent par une très grande variété suivant les différentes assurances. Cette variété complexifie énormément les démarches des candidats à l’assurance dés lors qu’ils tentent de solliciter plusieurs assureurs pour trouver une solution. Cette difficulté constitue une entrave sérieuse pour actionner la concurrence dans un contexte ou celle-ci présente un réel intérêt, compte tenu du caractère hétérogène que peuvent revêtir les propositions des assureurs pour une même situation.
Dans ce contexte, l’harmonisation des questionnaires médicaux est indispensable, qu’il s’agisse des questionnaires « socles » ou des questionnaires relatifs aux pathologies.
La réforme du mécanisme de mutualisation.
Les données résultant du bilan de la commission de suivi de la convention AERAS le démontrent cruellement : le mécanisme de mutualisation dont l’objectif est de permettre la prise en charge du montant des surprimes les plus élevés des emprunteurs ayant des revenus modestes ne fonctionne pas et n’a été actionné que de manière extrêmement marginal et dans le nombre de dossier et dans le volume des aides accordées par dossier, comme l’a décrit le rapport de la commission de suivi.
Pourtant, dans le même temps, on ne peut que constater que le surcoût occasionné par les surprimes est de nature à écarter inexorablement des candidats à l’emprunt.
Pour rendre ce mécanisme véritablement efficient, nous préconisons :
- d’appliquer des taux effectifs globaux (TEG) différents suivant l’âge de l’emprunteur avec un TEG progressif par tranches d’âge ;
- de mettre en place un fond de garantie pour la prise en charge des surprimes ;
- d’abandonner ou de revoir les critères de ressources.
La nécessaire suppression du seuil de recevabilité lié au montant de l’emprunt.
Actuellement, pour que le dossier d’un emprunteur soit éventuellement éligible à un examen au 3e niveau de la convention AERAS, le montant des emprunts en cours ne doit pas excéder 300 000 euros.
Ce seuil est trop restrictif dans les zones géographiques où les prix de l’immobilier est le plus important. Cela est également vrai dés lors que le projet nécessite l’utilisation de crédits relais.
L’examen au 3e niveau ne repose que sur des critères liés à l’assurabilité et non à la solvabilité des candidats à l’assurance. Il n’y a pas lieu par principe d’écarter un possible examen au 3e niveau du simple fait du montant d’emprunt.
Il conviendrait de supprimer ce seuil.
Telles sont les principales préoccupations des associations signataires de la convention AERAS regroupées dans le CISS où des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent pour réclamer un cadre légal plus contraignant.
Certaines des parties prenantes ont indiqué que des obstacles sévères s’élevaient en cas de recours à la contrainte légale : obstacles constitutionnels français ou obstacles relevant du traité de l’Union européenne. Dans nos travaux, il y aura lieu de les documenter de façon moins « évocative », plus établie, plus certaine pour tout dire, si l’on veut que la solution du renouvellement de la convention AERAS soit partagée.
Pour que l’adhésion au renouvellement soit non seulement partagée, mais également acquise par les associations, il faudra faire des efforts substantiels. En effet, en raison du non-respect de la convention par les assureurs et les banques, le crédit d’une nouvelle signature parmi les associations est évidemment bien faible.
Cependant, nous ne doutons pas que les réunions programmées par les ministres et le volontarisme dont ils ont témoigné à l’ouverture de cette première séance de négociation augure une issue positive.
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