Les propositions du régime général de l’Assurance maladie pour 2014 : 2,48 milliards d’économies
17 juillet 2013
Les propositions du régime général de l’Assurance maladie pour 2014 : 2,48 milliards d’économies, pour atteindre un objectif national de dépenses d’assurance maladie de 2,4%.
Le conseil de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts) a adopté, le 11 juillet, un rapport visant à réaliser 2,48 milliards d’économies sur les dépenses de santé en 2014, pour respecter un objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam) de 2,4% en 2014.
Au menu, notamment, du plan de la Cnamts :
- élargir et renforcer les programmes d’amélioration de la pertinence des soins, notamment pour les interventions chirurgicales ;
- améliorer la prise en charge des personnes âgées en sortie d’hospitalisation ;
- ajuster les incitations financières de la chirurgie ambulatoire et mettre en œuvre des seuils minima d’activité pour la chirurgie ;
- faire baisser le prix de certains médicaments ;
- mieux encadrer la prescription des nouveaux anti-coagulants oraux ;
- favoriser l’usage des médicaments biosimilaires ;
- ouvrir les droits aux indemnités journalières pour les salariés ayant une petite activité.
Le CISS (comme la FNATH et l’UNAF) a voté favorablement sur ces propositions, pour deux raisons principales :
- Sur le volet « médicaments », la Cnamts propose un plan d’économie dont le « médicament » est au centre des efforts.
- La Cnamts entend agir principalement sur la maîtrise médicalisée (et pas seulement comptable) et la recherche de l’efficience des prescriptions médicales (600 millions d’économies envisagés).
Précisément, elle propose de revoir le prix de la rosuvastatine, seule statine non génériquée sur les cinq médicaments existants, dont le coût est plus élevé que les autres alors même que son efficacité est équivalente et prescrite larga manu puisqu’à elle seule, elle représente 30% des prescriptions de statines.
- La Cnamts propose par ailleurs de poursuivre la diminution des prix des médicaments génériques pour les rapprocher de ceux en vigueur dans d’autres pays.
- L’Assurance maladie est d’autre part favorable à une baisse de prix conséquente sur le Lucentis®, utilisé dans le traitement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA). Premier médicament de ville remboursé en 2012, son prix est nettement plus élevé que ceux d’autres médicaments d’efficacité équivalente pour cette indication.
- Un meilleur encadrement de la prescription des nouveaux anticoagulants oraux (NACO) est également proposé. Les NACO posent en effet deux problèmes : d’une part, ils présentent des risques d’accidents hémorragiques aggravés par l’inexistence d’antidote ou de traitement correcteur validé en cas d’accident hémorragique ou de chirurgie ou acte interventionnel non programmé ; d’autre part, leurs prix, élevés comparativement aux médicaments de leur classe de référence alors même qu’ils n’offrent aucun progrès thérapeutique, est une énigme.
- Une fois n’est pas coutume, la Cnamts propose d’ouvrir des droits (aux indemnités journalières) à certains usagers.
Certaines personnes, de par la spécificité ou la durée du travail effectué, ne remplissent pas les critères fixés pour l’ouverture des droits au versement d’indemnités journalières en cas d’arrêt maladie, et sont de facto exclues des droits pour lesquels cependant elles cotisent.
C’est le cas notamment des personnes salariées travaillant à temps très partiel (inférieur au mi-temps, soit moins de 17h30 par semaine), quand bien même justifieraient-elles de plusieurs années de cotisation, parce qu’elles ne remplissent ni le critère de durée de travail de 800h au cours de l’année précédant l’arrêt de travail, ni les 200h au cours des trois premiers mois.
Selon la Ligue Nationale Contre le Cancer, 15 000 personnes atteintes de cancer, dont 13 000 femmes, travaillant à temps très partiel (inférieur à un mi-temps) n’ont pas accès aux indemnités journalières.
Cette situation n’est socialement pas acceptable et les assouplissements proposés nous semblent aller dans le bon sens.
Toutefois, le CISS a souligné, lors du conseil du 11 juillet, plusieurs points de vigilance :
- Notamment, la Cnamts propose de développer les outils d’aides à la décision pour les patients afin de leur permettre un choix mieux éclairé.
Les constats établis soulignent le nombre important d’actes chirurgicaux pratiqués au mépris du bilan bénéfices/risques pour le patient et parfois sans avoir effectué des examens nécessaires préalables justifiant l’intervention.
Ces pratiques médicales, dont la pertinence est en cause, ne pourront évoluer que si l’on se résout à adresser des « messages plus fermes en direction de la communauté médicale, à l’instar de ce qui est fait dans d’autres pays ».
La difficulté de l’encadrement des pratiques professionnelles, qu’elles soient médicales ou chirurgicales, ne doit pas conduire à reporter les besoins de régulation sur les patients.
Une proposition pour éclairer le choix des patients « lorsqu’ils ont à faire face à plusieurs options ayant des bénéfices et des préjudices qui peuvent être appréciés différemment par chacun » ne responsabilise-t-elle pas les patients à l’excès ?
Dans la vraie vie, les patients qui se trouvent en situation de faire un choix entre deux techniques de traitement s’en remettent souvent à l’expertise de leurs soignants en qui ils placent leur confiance. Le rôle de conseil du médecin est très souvent décisif et, même s’il convient d’informer au mieux les patients sur les risques encourus, le médecin n’en demeure pas moins responsable de sa stratégie thérapeutique.
- Par ailleurs, le CISS a exprimé toutes ses réserves s’agissant des médicaments biosimiliaires dont la Cnamts propose de favoriser l’usage, pour des raisons qui tiennent à la fois à l’efficacité thérapeutique de ces médicaments et à l’acceptabilité sociale de ces « me too », alors même que l’on cherche encore à rattraper les effets d’une communication approximative sur les médicaments génériques.
Pour rappel, et tel que défini par l’ANSM, « un médicament biosimilaire est similaire à un médicament biologique (substance qui est produite à partir d’une cellule ou d’un organisme vivant ou dérivée de ceux-ci) de référence qui a déjà été autorisé en Europe. Le principe de biosimilarité s’applique à tout médicament biologique dont le brevet est tombé dans le domaine public. Les médicaments biosimilaires sont évalués à l’Agence européenne des médicaments (EMA) ».
Enfin, le CISS regrette l’absence de propositions sur des thèmes pourtant primordiaux :
- Pas une ligne sur l’hypothèse d’une généralisation du tiers-payant intégral au profit de tous les usagers (tout au mois de ceux qui disposent d’une complémentaire santé) afin de lutter efficacement contre le renoncement aux soins qui s’enracine fortement dans notre système de santé.
- Rien sur l’encadrement des prescriptions de psychotropes.
Le niveau de dépenses liées à la santé mentale devrait nous conduire à enquêter sérieusement et urgemment sur les modalités de traitements des troubles psychiques ou symptômes trop souvent associés à une pathologie exigeant la prescription de médicaments psychotropes.
22,6 milliards d’euros consacrés à la santé mentale ; 5,8 millions d’adultes sous traitement psychotrope soit une personne sur dix, c’est assez pour questionner la pertinence de la prescription médicale.
- La prévention, grande oubliée des propositions de la Cnamts.
La seule concession faite à la prévention à travers les propositions qui nous sont soumises aujourd’hui porte sur la lutte contre le tabagisme. Cette réduction à l’extrême de l’engagement de l’Assurance maladie pour mieux prévenir le recours aux soins aigus est regrettable.
