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Lettre ouverte du CISS sur l'article 22 de la loi relative à la sécurité du médicament

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08 décembre 2011

Le Collectif Interassociatif sur la Santé, en le nom de son Président, Christian SAOUT, invite, à l'occasion des prochains débats parlementaires, les Député(e)s et Sénateur(trice)s "à prendre la mesure des conséquences négatives que porte en germe l’adoption définitive de l’article 22 de la loi relative à la sécurité du médicament dans sa rédaction actuelle".

 

Nous sommes tous d’accord pour augmenter la vigilance et l’épidémiologie du médicament. Nous nous satisfaisons donc que cet article 22 prévoie la mise en place, pour réaliser des études en la matière, d’un groupement d’intérêt public entre l’État, la Haute Autorité de Santé, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’Institut de veille sanitaire et la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés.

 

Pour autant, cela ne doit pas se traduire :


  • par un dépouillement des compétences de l’Institut des données de santé (IDS) créé par la loi du 13 août 2009 relative à l’Assurance maladie,
  • par une confusion entre les institutions et organismes se surajoutant sans raison
  • par de nouveaux reculs dans la représentation des usagers déjà suffisamment nombreux dans cette loi.


 

Ci-dessous, vous trouverez notre lettre ouverte reproduite, adressée ce 8 décembre 2011.

 

_____________________

 

 

Mesdames, Messieurs les Député(e)s et Sénateur(trice)s,

 

 

Dans les prochains jours, vous aurez à nouveau à vous prononcer sur les dispositions de la loi relative à la sécurité du médicament. Ce texte traduit les aspirations de nos concitoyens au renforcement de la sécurité dans ce domaine.

 

Cependant, nous nous inquétons des conséquences de l’article 22 de la loi relative à la sécurité du médicament qui crée un groupement d’intérêt public pour conduire des études de vigilance et d’épidémiologie impliquant notamment les médicaments.

 

Chacun comprend la nécessité de procéder à de telles études.

 

 

  • Pour autant, cela ne doit pas se faire au prix d’un dépouillement des compétences générales de l’Insitut des données de santé (IDS) créé par la loi du 13 août 2004 portant réforme de l’assurance maladie.

 

Si l’on veut conduire des études de vigilance et d’épidémiologie en matière de médicament, comme nous le croyons utile, cela doit se faire dans le respect des règles existantes, d’autant qu’il n’a pas été démontré, bien au contraire, que le cadre institutionnel de l’IDS ne permettait pas d’y parvenir.

 

Si un nouveau groupement d’intérêt public peut opportunément rendre visible la volonté des institutions françaises de santé et d’assurance maladie de mieux surveiller les conséquences de l’usage des médicaments, on comprend mal l’intérêt de priver l’IDS d’une partie de ses compétences générales de police de l’accès aux données de santé, voire de la totalité de ces compétences si l’on se réfère à l’adjonction du mot « notamment » astucieusement inséré dans l’alinéa 1 de l’article L. 5121-28. 

 

 

  • Les conclusions des Assises du médicament plaidaient pour la mutualisation des moyens des organismes ayant vocation à mieux surveiller le médicament mais n’orientaient pas vers la création d’un nouveau groupement d’intérêt public.

 

La création par la loi d’un nouveau groupement d’intérêt public influera-t-elle en pratique sur la prévention des risques liés à l’usage des médicaments ? C’est loin d’être certain. Faut-il rappeler que l’étude de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés, à laquelle il est fait abondamment référence dans le cas du Médiator, n’a pas abouti à la mise en œuvre des pouvoirs dont disposait cette caisse pour faire cesser le trouble à la santé publique que son étude révélait !

 

Par ailleurs, il ne s’agirait pas avec la création de ce groupement d’intérêt public de désespérer les attentes concrètes de nos concitoyens en matière de sécurité du médicament : les débats publics dans les deux chambres ont conduit à évoquer une dizaine d’études de vigilance et d’épidémiologie par an. Ce n’est pas avec cette dizaine d’études que l’on examinera les conséquences potentiellement délétères des 4 000 molécules disponibles en France. Il nous faudrait attendre l’année … 2411 pour y arriver.

 

Dans ces conditions, les associations membres du CISS comprennent mal que l’on s’évertue à créer un organisme supplémentaire dont rien ne garantit qu’il fera demain ce que les membres sensés le constituer n’ont pas fait ensemble hier. Sans parler du coût de fonctionnement de ce nouvel organisme dans une période où il est réclamé de chacun des efforts !

 

  • Enfin, alors que l’IDS comporte toutes les parties prenantes, y compris les représentants des usagers, le groupement d’intérêt public créé par l’article 22 de la loi relative à la sécurité du médicament ne prévoit pas leur participation.

 

C’est pourtant cette participation, gage d’une approche pluraliste, qui fait tout l’intérêt des solutions à retenir après la grave crise de sécurité sanitaire que nous venons de traverser. Dix ans après la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, comment ne pas tenir compte de cette exigence de participation pluraliste, sauf à vouloir nous convaincre que, décidément, il y a d’un côté de beaux discours, et de l’autre, des pratiques politiques très réservées quand au rôle que doivent jouer désormais les associations d’usagers dans le domaine de la santé, comme on a aussi pu le voir avec le refus de permettre la participation de ces associations d’usagers au collège de la Haute autorité de santé et au Comité économique des produits de santé.

 

 

Pour toutes ces raisons, nous nous permettons de vous inviter, à l’occasion des prochains débats parlementaires, à prendre la mesure des conséquences négatives que porte en germe l’adoption définitive de l’article 22 de la loi relative à la sécurité du médicament dans sa rédaction actuelle.

 

Nous vous prions d’agréer, Mesdames, Messieurs, l’expression de notre considération distinguée.

 

Christian SAOUT

Président du CISS

 

 


 

A télécharger :

 

Lettre ouverte sur l'article 22 de la loi relative à la sécurité du médicament, adressée par le CISS aux Député(e)s et Sénateur(trice)s le 8.12.2011