Travailler avec la dialyse ou la greffe de rein, un défi... ? Résulats d'une grande enquête
30 avril 2015
Travailler avec la dialyse ou la greffe de rein, un défi... ?
Résulats d'une grande enquête à l'initiative de Renaloo
En France, le taux d’activité des personnes vivant avec une maladie chronique évolutive est d’environ 35 %. Il est inférieur à celui de l’ensemble des personnes handicapées (44 %). Certains malades restent encore trop souvent en marge de toute activité professionnelle. Focus sur les personnes en insuffisance rénale terminale, traitées par dialyse ou ayant reçu une transplantation rénale, soit 76 000 patients environ (1).
Pour la première fois en France, une enquête « Travailler avec la dialyse ou la greffe de rein », explore, à travers ses deux volets, quantitatif et qualitatif, les effets des maladies rénales sur l’insertion professionnelle et le niveau de vie des patients dialysés ou greffés. Un total de 1566 patients âgés de 25 à 65 ans y ont participé.
Les résultats sont sans appel : ils montrent un impact important de la maladie rénale sur l’insertion sociale et professionnelle, très différent selon le traitement, greffe ou dialyse.
Les maladies rénales, des conséquences lourdes sur le travail
Exercer un emploi et toucher une rémunération permettent aujourd’hui de gagner sa vie mais aussi d’apporter sa propre contribution à l’activité nationale, participer à la vie sociale, être reconnu par les autres. Le travail est plus que le travail. Il engendre du lien social. En être privé diminue d’autant la valeur et la qualité de la vie.
C’est pourtant la situation que connait l’immense majorité des personnes traitées par dialyse.
Si plus de 80% de la population générale âgée de 25 à 65 ans est dans l’emploi, lorsque les
reins ne fonctionnent plus, les taux d’activité s’écroulent :
• Seuls 17,4 % des patients dialysés qui n’ont pas - ou pas encore - eu accès à la
greffe ont un travail ;
• 51 % des patients qui ont été greffés après une période de dialyse ont un travail ;
• 58 % des très rares patients qui ont pu être greffés sans passer par la dialyse
(la greffe préemptive ne concerne que 3% des patients chaque année) ont un travail.
L’enquête montre aussi avec netteté qu’au fil des mois et des années en dialyse, les
chances de rester dans l’emploi diminuent.
« Une chose est sûre, explique Yvanie Caillé, fondatrice de l’association Renaloo, à
l’initiative des enquêtes, la greffe assure de très loin une meilleure insertion sociale et professionnelle et des revenus plus élevés que la dialyse. Et la greffe préemptive (sans dialyse préalable) encore davantage ».
Les patients greffés se caractérisent par des taux d’activité bien supérieurs à ceux des patients dialysés, quels que soient leur diplôme et leur catégorie socio-professionnelle. C’est le cas de Philippe Grosbois, greffé sans avoir été dialysé au préalable : « La greffe m’a permis de continuer à travailler de nuit et à mener une vie normale » témoigne cet ouvrier de 48 ans.
L’exclusion du travail, une perte du statut social
« L’exclusion de la sphère du travail est d'autant plus douloureuse que le travail aide à la
restauration de l’estime de soi. Il est structurant face au chaos engendré par la maladie »
explique Christian Baudelot, sociologue et vice-président de Renaloo.
Reprendre le travail après un arrêt est une motivation et un vecteur d’espoir. A l’inverse, la
nécessité de revoir ses ambitions professionnelles du fait de la chronicité de la maladie et de
la dépendance vis-à-vis des traitements induit fréquemment une frustration, un sentiment d’injustice et d’infériorité.
Maladie et pauvreté
Qu’elles soient dialysées ou greffées, les personnes malades perçoivent des revenus
inférieurs à ceux de la population générale. 66 % des patients dialysés et 44 % des greffés perçoivent moins de 1 100 euros par mois (2). Les maladies rénales et les difficultés de maintien dans l’emploi associées sont donc des facteurs majeurs d’appauvrissement.
Inégalités sociales, la double peine
Les taux d’activité décroissent avec le niveau de diplôme. Les moins diplômés, les employés, ouvriers et indépendants, qu’ils soient dialysés ou transplantés, sont beaucoup plus nombreux à être exclus du marché du travail.
Mais les inégalités sociales impactent aussi les parcours médicaux. L’accès à la greffe, le meilleur traitement de l’IRT, augmente nettement à mesure que s’élève le niveau d’instruction. Ainsi, une personne peu diplômée et exerçant un emploi physiquement éprouvant restera plus souvent et plus longtemps en dialyse et paiera aux maladies rénales son tribut le plus fort : l’exclusion du marché du travail et l’appauvrissement le plus important.
Cette première enquête sur l’impact social de la maladie rénale chronique au stade terminal incite à chercher les moyens de maintenir le meilleur niveau d’insertion sociale et professionnelle pour le plus grand nombre, notamment par un meilleur accès à la greffe rénale.
A propos des deux volets de l’enquête « Travailler avec la dialyse ou la greffe de rein »
• « Activité professionnelle et ressources des personnes en insuffisance rénale chronique terminale en France », enquête quantitative auprès de patients issus du Réseau Epidémiologie et Information en Néphrologie (REIN). Ce volet de l’enquête nationale « Surveillance de la qualité de vie des patients insuffisants rénaux terminaux »(3) a été réalisé avec le soutien de l’Agence de la biomédecine.
• Enquête qualitative « Activité professionnelle et ressources des personnes traitées par dialyse ou transplantation rénale en France », réalisée par le Cerphi, sous la direction de Renaloo, avec le soutien de la CNSA et de la DGS. 30 entretiens qualitatifs approfondis ont été réalisés.
A propos de Renaloo
Renaloo a été créée en 2002 par Yvanie Caillé, sous la forme d'un blog, devenu une association de patients en 2008. L’association développe de nombreuses activités, sur et hors internet, pour porter de la manière la plus efficace possible ses valeurs de soutien et d’empowerment des personnes qui vivent avec une maladie rénale, la dialyse, la greffe, de défense de leurs droits et de leurs intérêts et d'amélioration de leur prise en charge et de leur vie. www.renaloo.com
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(1) http://www.agence-biomedecine.fr/IMG/pdf/rapport_rein2013.pdf
(2) Sur la période de l’enquête, le salaire médian en France s’élevait à environ 1 600 € par mois et le seuil de pauvreté, fixé à 60% du niveau de vie médian de la population, était de 987 € mensuel. 14% de la population générale se situait au-dessous de ce seuil.
(3) Speyer E, Briançon S, Jacquelinet C, Beauger D, Baudelot C, Caille Y, et al. Qualité de vie des personnes en insuffisance rénale chronique terminale en France en 2011. Bull Epidémiol Hebd. 2014;(37-38):623-30. www.invs.sante.fr/beh/2014/37-38/2014_37-38_4.html
> Télécharger le communiqué de presse de Renaloo, diffusé le 30 avril 2015
> Dossier de presse et rapport de l'enquête téléchargeables sur www.renaloo.com